Que signifie Enfoncer une porte ouverte ?
Enfoncer une porte ouverte c’est faire de grands efforts pour surmonter une difficulté qui n’existe pas, ou dire une banalité en la présentant comme une découverte, ou démontrer difficilement une vérité déjà connue de tous.
Quelle est l’origine de cette expression ?
Du sens érotique au 17ème siècle ….
On utilisait l’expression au 17ème siècle sous la forme “Enfoncer (ou rompre) une porte ouverte”. Mais le sens était alors érotique. Antoine Oudin, dans son dictionnaire “Curiositez Francoises” (1640), en donne cette définition : “Coucher avec une nourrice et croire qu’elle est pucelle” (1).
C’est dans ce sens que l’on trouve l’expression dans “Roger Bontemps en belle humeur” (1670). Dans l’un des contes de ce recueil facétieux, un homme, à qui “il tardoit d’enfoncer une porte ouverte“, “ne tarda guère de se coucher auprès de la chaste Lucine“. Mais “il rencontra une serrure que l’on avoit souvent crochetée“. Et il reprocha à la présumée “pucelle” de n’être “plus celle” qu’elle était censée être : “n’avez-vous point de honte de me donner le reste des autres ?”. La belle lui répondit alors “Je ne suis pas ignorante que vous n’êtes pas puceau, ainsi nous n’aurons rien à nous reprocher l’un à l’autre” (2). Précisons que, à l’époque, être un Roger-Bontemps c’était être jovial, serein, de bonne humeur.
…. au sens actuel à partir du 18ème siècle
A partir du début du 18ème siècle, on commença à donner à l’expression le sens qu’elle porte encore aujourd’hui. On en trouve de nombreux exemples dans la littérature de cette époque. A titre d’exemple, nous avons sélectionné la “bibliothèque critique” (1708) de Mr de Sainjore. Ce dernier est le pseudonyme d’un certain Richard Simon, prêtre français et exégète biblique.
Il s’agit d’un ouvrage dont l’objectif est de porter à la connaissance du lecteur l’existence de livres hors commerce ou ensevelis dans des bibliothèques. Ses contemporains l’apprécièrent diversement et un arrêt du Parlement de Paris du 5 août 1710 le supprima. En effet, on le jugea comme un livre rempli de médisances notamment contre des sociétés religieuses. On condamna donc les quatre tomes au pilon. Dans un chapitre du tome second, il est question d’un érudit ayant publié une dissertation sur un écrit biblique. L’auteur mentionne à ce sujet : “Elle mérite d’être lue parce que ceux qui ont écrit après lui sur cette matière n’ont fait autre chose, pour ainsi dire, qu’enfoncer une porte ouverte” (3).
Mais l’histoire ne dit pas comment on est passé du sens érotique à la signification actuelle de l’expression.
Notons enfin que, parfois, pour donner encore plus de poids à l’expression, ce n’est pas une seule porte ouverte que l’on enfonce mais “des portes ouvertes”. On pourrait presque dire, pour boucler avec le sens érotique du 17ème, une “débauche” de portes ouvertes !
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Nos sources :
(1) Curiositez Françoises pour supplément aux dictionnaires – Chez Antoine de Sommaville, Paris (1640) – Page 184 – Par Antoine Oudin
(2) Roger Bontemps en belle humeur donnant aux tristes et aux affligés le moyen de chasser leurs ennuis, et aux joyeux le secret de vivre toujours contens – Editeur Pierre Marteau, Cologne (1670) – Plaisant discours d’un homme qui pensoit épouser une pucelle – page 346
(3) Bibliothèque critique ou recueil de diverses pièces critiques dont la plupart ne sont point imprimées, ou ne se trouvent que très difficilement – Tome second – Chez jean-Louis Delorme, Amsterdam (1708) – Page 17 – Par Mr De Sainjore
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