Que signifie Être tiré à quatre épingles ?
Être tiré à quatre épingles se dit d’une personne qui s’habille de manière très soigneuse.
Quelle est l’origine de l’expression
Tout d’abord, il faut savoir que, au 15ème siècle, on employait l’expression “être bien tiré” qui signifiait que l’on était vêtu proprement.
On en trouve un exemple dans une farce (genre théâtral né au moyen-âge) datant probablement de la fin du 15ème. Il s’agit de “Farce des femmes qui se font passer maistresses” (1):
“Il me fault être bien tiré
et habillé mignotement
pour recepvoir joyeusement
notre maistresse que je voy”
On retrouve cette expression et la même signification au milieu du 17ème siècle dans “Curiositez françoises” (1640) de Antoine Oudin (2).
D’autre part, à la fin du 17ème, on semblait employer des expressions différentes selon le sexe. Effectivement, dans son dictionnaire universel (1690), Antoine Furetière donne la définition suivante : “On dit qu’un homme est bien tiré, qu’une femme est tirée à quatre épingles pour dire qu’ils affectent une propreté extraordinaire en linge et en habits” (3).
On voit donc apparaître l’expression complète à la fin du 17ème siècle. Toutefois les quatre épingles trouvent leur origine antérieurement dans une cérémonie qui était en vigueur au début du 16ème siècle selon le grammairien Pierre Marie Quitard (4).
On en trouve la description dans le tome 10 du bulletin monumental publié en 1844 par la société pour la conservation et la description des monuments historiques de France (5).
Ce bulletin fait référence à un règlement, datant du 16ème siècle, de la confrérie religieuse “Saint-Jacques-aux-Pèlerins“, créée au 13ème siècle.
La confrérie religieuse “Saint-Jacques-aux-Pèlerins”
Cette confrérie fonda la paroisse de saint-Jacques-de-l’hôpital de Paris au début du 14ème siècle. Cette paroisse était située entre les rues Mauconseil et Saint Denis. On la supprima en 1790. Puis elle servit de magasin à un épicier. Enfin on la démolit en 1820. Son cloître servit pour réaliser le passage entre les rues Mauconseil et du Cygne (6).
A partir du 13ème siècle, de nombreuses confréries de ce type se développèrent. De plus, certaines corporations d’art et de métiers se formèrent également sous le patronage de la religion. Et celle des tailleurs est la plus ancienne de ce genre.
Le jour de la fête du saint patron, ces confréries et corporations organisaient un office solennel, une grand’messe et des vêpres.
La plupart avaient des cérémonies qui leur étaient propres. Toutefois, une était commune à toutes les confréries. Il s’agit du “Deposuit“. Et c’est celle dont on trouve la description dans le règlement, datant du 16ème siècle, de la confrérie religieuse “Saint-Jacques-aux-Pèlerins” : “Le crieur est tenu avant la fête de monseigneur saint Jacques, d’aller par la ville avec sa clochette et vestu de son corset, crier la confrérie. Item (De même) doit à chaque pèlerin et pèlerine quatre épingles pour attacher les quatre cornets (coins) des mantelets (manteaux, capes) des hommes et les chapeaux de fleurs des femmes, ……“.
Importance et utilité des quatre épingles
Ce passage atteste l’importance que l’on accordait alors aux quatre épingles. En effet, ces dernières traduisaient le soin que les hommes et les femmes de l’époque se devaient d’apporter dans leurs toilettes.
Mais on peut également ajouter que ces quatre épingles correspondaient simplement aux quatre coins d’une pièce d’étoffe que l’on souhaitait fixer et tendre sans plis.
En conclusion, l’association de “bien tiré” (15ème) et des “quatre épingles” (16ème) conduisait logiquement à l’expression qui a fait son apparition au 17ème. Donc, lorsque l’on était tiré à quatre épingles c’est que l’on était vêtu proprement et soigneusement.
Autres expressions avec des chiffres ?
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Homme en costume / Cible / Epingles
Nos sources
(1) Recueil des farces françaises inédites du 15ème siècle – Slatkine reprints, Genève (1974) – “Farce des femmes qui se font passer Maistresses” – Page 118 – par Gustave Cohen
(2) Curiositez Françoises – Chez Antoine de Sommaville, Paris (1640) – Page 535 – Par Antoine Oudin
(3) Dictionnaire universel – Tome 3 – Chez Arnout et Reinier Leers, Rotterdam (1690) – “Tirer” page 690 – Par Antoine Furetière
(4) Dictionnaire étymologique, historique et anecdotique des proverbes – P.Bertrand Editeur, Strasbourg (1842) – “Etre tiré à quatre épingles, page 351 – Par Pierre Marie Quitard
(5) Bulletin monumental – Tome 10 – Page 447 – Par M.De Caumont, Paris (1844)
(6) Histoire de Paris – Saint jacques de l’hôpital
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