Que signifie “Tranquille comme Baptiste” ?
Tranquille comme Baptiste c’est être calme, d’une grande tranquillité.
Quelle est l’origine de cette expression ?
Les farces de Baptiste
Elle apparaît pour la première fois, en 1808, dans le “dictionnaire du bas langage” de d’Hautel. On y précise que “Baptiste est le nom que l’on donne ordinairement aux Gilles et aux niais dans les farces comiques. Il est tranquille comme Baptiste se dit d’un hébété, d’un homme apathique et d’une tranquillité imperturbable” (1).
Cette définition pourrait s’inspirer de l’exemple de l’acteur Baptiste Cadet. Ce dernier était membre de la famille de comédiens “Anselme”, “dite Baptiste”. Il commença sa carrière en 1790. Il joua souvent des rôles comiques dont, notamment, celui de “Jocrisse”, l’incarnation populaire de la niaiserie et de la maladresse. D’ailleurs il rencontra un grand succès en 1791 dans “Le Désespoir de Jocrisse”, une comédie-folie en deux actes, présentée comme la plus ancienne et la meilleure de ces farces. Baptiste Cadet est ainsi décrit, un peu plus tard, dans “60 ans de théâtre Français” : “Il n’avait qu’à se montrer pour être comique. Ce long corps, ces longues jambes, cette longue figure, ces bras qui ne finissaient pas , tout cela servait à en faire un niais accompli quand il voulait être niais , ou plutôt le paraître” (2).
Le succès de Baptiste Cadet dans ces rôles de niais restant tranquillement imperturbable sous les coups et les railleries aurait pu contribuer à populariser l’expression.
Précisons ici que en aucun cas le mime jean-Baptiste Gaspard Debureau ne peut avoir inspiré cette expression ainsi que l’affirment de nombreux ouvrages. En effet, né en 1796 il ne commença sa carrière que vers 1820. Or nous savons maintenant que l’expression existait déjà en 1808.
Baptiste et son expression au 19ème siècle
Par la suite, on trouve de nombreux exemples d’utilisations en littérature tout au long du 19ème siècle. De grands noms y ont contribué :
- Voyage autour du pont neuf (1825) : “…. cache-toi dans ce cabinet. V’la M. Tillard qui arrive tranquille comme Baptiste, sans se douter de rien.” (3)
- Biographie des souverains du XIXe siècle par deux Rois de la fève (1826) : “Quant à Charles IV (…) il finit par s’installer à Rome où il vécut comme un bon propriétaire, sans s’occuper des affaires publiques, et tranquille comme Baptiste” (4)
- Scènes de la vie privée – La femme de trente ans – Honoré de Balzac (1831) : “A Wagram au milieu du feu, à la Moskowa parmi les morts, il est toujours tranquille comme Baptiste” (5)
- L’Assommoir – Emile Zola (1876) : “Coupeau (…) fumait de nouveau sa pipe, tranquille comme Baptiste“(6)
L’expression semble donc se populariser au début du 19ème siècle après sa première apparition dans le dictionnaire du bas langage.
Le tranquille jean Le Baptiste
Mais elle pourrait également être liée à un autre personnage plus ancien et biblique.
En effet la tranquillité du Baptiste de l’expression pourrait s’inspirer du prophète Jean le Baptiste. Dans la tradition chrétienne, ce dernier était le cousin de Jésus. Il prêchait sur les rives du Jourdain et pratiquait le baptême de repentance pour les chrétiens qui le désiraient. D’ailleurs “Baptiste” provient du mot grec “baptizein” signifiant “qui immerge”. C’est également lui qui baptisa Jésus à sa demande.
il réunit autour de lui de nombreux disciples, leur annonçant la venue d’un personnage plus important que lui.
Le roi Hérode, craignant que ce prophète n’utilise l’emprise qu’il avait sur la population pour la pousser à la révolte, le fit emprisonner et décapiter en l’an 28.
Jean Le Baptiste est un personnage important dans la tradition Chrétienne. Il est décrit comme un modèle d’humilité et d’obéissance, menant, dans le désert, une vie “tranquille” d’ascète se contentant de peu. D’autre part le rite du baptême de repentance, annonciateur d’un baptême dit d’esprit, conduit à la rémission des pêchés. Donc en quelque sorte vers un apaisement, une tranquillité de l’esprit.
Ce profil aurait pu venir s’associer à celui du personnage de théâtre pour aboutir au Baptiste calme, apaisé et tranquille de l’expression.
Autres expressions avec des prénoms
Un mot sur notre illustration
Nos sources :
(1) Dictionnaire du bas langage – Tome 1er – Imprimerie Haussman, Paris (1808) – “Baptiste” page 68 – Par d’Hautel
(2) 60 ans de théâtre Français par un amateur né en 1769 – Librairie de Charles Gosselin, Paris (1842) – “Baptiste Cadet” – Pages 78 à 81
(3) Voyage autour du pont neuf – 2ème édition – Chez Auguste Imbert Libraire, Paris (1825) – page 62
(4) Biographie des souverains du XIXe siècle – Chez les libraires marchands de nouveautés, Paris (1826) – Page 45
(5) Scènes de la vie privée – Tome 3 – Editeur Alexandre Houssiaux, Paris (1853) – La femme de trente ans – Page 8 – Par Honoré de Balzac
(6) wikisource.org – L’Assommoir – Page 476 – Emile Zola
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