Tranquille Émile

Que signifie Tranquille Émile ?

Tranquille Émile est l’une des nombreuses expressions que nous avons classées dans la catégorie des expressions qui font rimer les prénoms.

Soit elle exprime un constat : la personne à qui l’on s’adresse semble tranquille, à l’aise, cela baigne pour elle.
Soit il s’agit d’une exhortation au calme : “Tiens toi tranquille !”, “du calme !” .

Le prénom Émile permet de jouer avec l’assonance. C’est ce qu’on appelle une paronomase. C’est une figure de rhétorique qui consiste à rapprocher des mots de sonorités voisines (paronymes) dans une phrase. Nous avons regroupé ces expressions dans cette page.

Quelle en est l’origine ?

Emile et les Apaches

Tout d’abord il est intéressant de noter que c’est entre 1900 et 1920 que le prénom Emile fut le plus populaire. Et pourtant, à cette époque, en argot, un Émile était un souteneur. C’est ce qu’indique Hector France, en 1907, dans son dictionnaire de la langue verte (1).

Toujours à la même époque sévissaient les “Apaches” dans les rue de Paris. Il s’agissait de bandits qui opéraient en bandes et utilisaient souvent “le coup du père François” pour dépouiller leurs victimes. Ces bandes étaient composées d’hommes et de femmes. Un article du journal le Parisien publié en 2022 dans la série “ces gangs qui terrorisaient Paris” fait référence à ces bandes. Notamment un article d’un journal de l’époque, en Octobre 1906, mentionne le fait divers suivant : “Alors qu’il se rendait chez des amis, le policier avait tenté de stopper des bagarres habituelles dans la rue Cler. En voulant interpeller un dangereux souteneur surnommé Émile, il avait été frappé par les apaches présents, hommes et femmes, et avait reçu un coup de poing américain porté dans le cou par une femme“. (2).

Drôle d’oiseau

Et, à propos des “Apaches” et des “Emile”, nous avons trouvé un livre très intéressant intitulé “Drôle d’oiseau”. Il est assez récent car édité en 1998 à partir du manuscrit original d’un certain Emile Nouguier. En toute fin du 19ème siècle c’était un jeune ” apache ” de la Belle Epoque, souteneur et chef d’une bande de voleurs. On l’incarcéra pour meurtre à la prison Saint-Paul de Lyon. Il fut condamné à mort et exécuté en 1900. En 1899, il rencontra le Professeur Alexandre Lacassagne, fondateur de la criminologie française qui remarqua son goût pour l’écriture et l’encouragea à rédiger son autobiographie. C’est ce que fit Emile Nouguier sur plusieurs cahiers d’écolier dans un mode narratif original où il se met en scène dans un dialogue imaginaire avec un petit oiseau. Ainsi sont écrits “Souvenirs d’un moineau ou les Confidences d’un prisonnier”, témoignage d’un voyou à la fin du 19ème siècle. (3)

Tout ce qui précède confirme bien que, fin du19ème siècle et début du 20eme siècle, il était fréquent de croiser des “Emile” peu fréquentables dans les rues parisiennes. On pourrait penser que l’expression a alors commencé à être utilisée dans les deux sens mentionnés au début de cette publication. En effet soit on pouvait les voir profiter “tranquilles” des revenus générés par leurs protégées, soit il fallait parfois les calmer (Tranquille Emile !!) lors des traditionnelles bagarres de rues.

Je te le donne Emile !

Mais ce n’est que vers la fin du 20ème siècle que l’expression a connu une certaine popularité. Elle fut probablement imputable à deux parrains célèbres qui remirent Emile et Mimile sous le feu des projecteurs :

Alphonse Boudard avec, en 1970, sa fameuse “Méthode à Mimile” ….. à ne pas confondre avec la célèbre méthode Assimil.
Coluche avec son “Je te le donne Emile” au milieu des années 1970 (en référence à l’expression je te le donne en mille).