la théorie du bordel ambiant

La théorie du bordel ambiant

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Avec “La théorie du bordel ambiant” ce n’est pas un livre récent que vous propose savour.eu.
C’est en effet un livre publié en 1990 mais il a marqué son époque. Son auteur est Roland Moreno (1945-2012). C’est le fameux inventeur de la carte à puce, l’une des rares réussites industrielles françaises dans le domaine des technologies de l’information.

Roland Moreno

C’était un génial Géo Trouvetou, amoureux des machines, mais aussi des mots et de l’écriture. Et il le démontre dans cet ouvrage inclassable où il raconte son itinéraire avec humour et intelligence.
Ses études au lycée Montaigne semblent le destiner à la voie scientifique. Mais il s’inscrit en Lettres à La Sorbonne (Censier) sans doute, ainsi qu’il l’écrit”, “par provocation d’adolescent-à-problèmes (bonjour le pléonasme)“.

Il ne tarde pas à abandonner car, dit-il “je ne savais même pas faire ce qu’un étudiant normal apprend en premier lieu (c’est à dire entrer dans le sujet)“. A titre d’exemple il décrit un premier partiel : “un amphi, une feuille, un sujet : Nobles et bourgeois à la veille de la révolution (4 heures)“. Pour décrire le fait qu’il n’avait rien à dire, il fait référence à un phylactère de Gotlib (dont le super Dupont est en couverture du livre) : “phylactère qui illustre avec le plus de simplicité cette situation d’impuissance mentale confinant à l’extériorité : du crâne de son personnage Gotlib fait monter une simple bulle, dépourvue bien sûr de tout texte, et simplement habitée par quelques toiles d’araignée.”

Matapof et “objet sans objet”

la theorie du bordel ambiant - matapof
Le Matapof

Les premières pages donnent la tonalité et on est impatient de connaître la suite en prenant toutefois le temps de lire toutes les notes pleines d’esprit en bas de page.
On apprend alors que Roland Moreno exerce entre autres les métiers de tourneur de ronéo à la MNEF puis de coursier à L’Express. Là il use de ses moments libres de grouillot” (“c’est à dire à peu près les 24 heures de la journée, 30 jours par mois“) pour laisser libre cours à sa passion pour le bidouillage électronique. Il construit des machines improbables comme « Matapof », la machine à tirer à pile-ou-face, à niveau de triche réglable. Toujours à l’Express il construit une autre machine sans nom ne servant strictement à rien (“un objet sans objet“) : un lanceur de bille rythmé par le bruit (TOC) provoqué par la membrane du haut-parleur chargé de propulser puis de recueillir la bille.

Innovatron et radoteur

la theorie du bordel ambiant - le radoteur
le radoteur (image créée par savour.eu)

Il devient ensuite pigiste à l’hebdomadaire “Détective” dont il est licencié. Puis, pendant 3 ans, il est secrétaire de rédaction à l’hebdomadaire “Chimie actualités”. Ayant en tête l’idée de créer une “société de création d’idées”, il arrive à se rendre indésirable et à se faire licencier. Avec son indemnité de licenciement il crée, en 1972, la société Innovatron. Il propose à des entreprises de créer pour elles des idées ainsi que des noms grâce à l’électronique du « Radoteur ». Il s’agit d’un générateur de mots nouveaux à partir de tout texte ou liste de mots qu’on lui propose en entrée. C’est le chapitre 6 du livre qui est consacré au radoteur. Ce chapitre débute avec une citation de Cavana qui met dans l’ambiance “quand les hirondelles volent bas les souris dansent, parce qu’elles se sont trompées de proverbe

La carte à mémoire

Puis vient en 1974 l’invention de la carte à mémoire. L’idée germe après la découverte de l’existence, dans un magazine, de différentes technologies de mémoires modifiables.
les brevets sont déposés en 1974-75.
Malgré l’importance de ce projet Roland Moreno poursuit une sorte d’achèvement du Radoteur. Et, dans les 3 années très difficiles (sans revenus) qui suivent le lancement de la carte à mémoire, cela lui permet de tenir le coup financièrement. Il vend “aux industriels, cabinets de marketing, agences de pub, des listes riches de dizaines et de dizaines de noms possibles pour une nouvelle laque censés évoquer à la fois (et y parvenant en effet) la douceur et l’éclat du cheveu, la femme, le mouvement, le sport, etc.

Le “La” de Cavana

Nous ne pouvons que vous encourager à lire la suite de “La théorie du bordel ambiant” …. nous n’en sommes qu’au chapitre 6 ! vous irez de surprise en surprise. C’est rempli d’humour et de réflexions brillantes, sérieuses et mi-sérieuses, parfois déjantées.
Les citations de Cavana en tête des chapitres suivants continuent à donner le “La” :

  • Problématique des papiers, mystère de l’identité : “Quand Staline déclarait la chasse à l’ours ouverte, les lapins prenaient le chemin de l’exil. Car, s’ils n’étaient pas des ours, ils n’avaient aucun papier pour le prouver ».
  • les mots, la vérité : “Si l’on examine un cochon d’Inde, on s’aperçoit avec stupeur que ce n’est pas un cochon et qu’il n’est pas d’Inde. Seul le «D’» est authentique”.
  • Nivellement et création : “Quand dans une cage on enferme un lion affamé, un homme affamé, et une côtelette, ce n’est jamais la côtelette qui gagne.”

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