Que signifie Sans coup férir ?
Sans coup férir signifie “sans avoir à combattre”, “sans rencontrer de résistance”, “sans difficulté”.
Quelle est l’origine de l’expression ?
A partir de la 2ème moitié du 10ème siècle, le verbe “Férir” s’employait dans un contexte guerrier. Il venait du latin “ferire” et signifiait “frapper”, “donner un coup” lors d’un combat. C’est attesté dans “la vie de Saint Léger, évêque d’Autun” (vers 980) où l’on trouve cette phrase : “Lai s’aprosmat que lui firid.” (1). On peut la traduire par “Là s’approcha celui qui l’avait frappé” (2).
Puis l’expression “sans cop ferir” a fait son apparition au début du 13ème siècle. On la trouve notamment dans le roman de chevalerie en prose “Lancelot- le livre du Graal” : “Si estes si fols que vous quidiés que je le vous baille ensi sans cop ferir ?” (” Avez-vous donc perdu la tête pour croire que je vous le donnerai sans coup férir ?“) (3) . A l’époque, l’expression signifiait donc “sans porter de coup”.
Au 12ème siècle, le verbe férir s’est enrichi d’un sens figuré moins guerrier. En effet il signifiait alors “rendre amoureux” dans le sens “frapper au coeur” (4).
Et c’était encore utilisé avec cette signification au 17ème siècle. Pour preuve, dans son dictionnaire universel (1690), Antoine Furetière nous explique que “être féru (participe passé de férir) d’une femme” , c’est “en être amoureux”. Et il ajoute que l’on dit “son coeur est féru pour dire il est blessé par l’amour.” (5)
Puis progressivement, à partir du 17ème siècle, l’expression “être féru de” s’est éloignée du sentiment amoureux pour exprimer une passion par exemple pour une activité ou pour une idée (4).
Et, de son côté, l’expression “sans coup férir” a pris de la distance avec son sens concret et guerrier initial pour prendre un sens figuré exprimant l’absence de difficulté par exemple dans la réalisation d’une action.
Le verbe “férir” a, quant à lui, depuis longtemps laissé la place au verbe “frapper” et n’est plus utilisé de nos jours que dans cette expression et par son participe passé “féru”.
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Nos sources
(1) Wikisource – La vie de Saint Léger, évêque d’Autun (vers 980) – Éditions J. Linskill, Paris 1937
(2) La poésie française pour les nuls – First edition, Paris (2010) – La vie de Saint Léger en français d’aujourd’hui – Page 19 – Par Jean-Joseph Julaud
(3) Lancelot – le livre du Graal – Tome II – Edition Gallimard – Partie 1 70 1 – Edition préparée par Daniel Poirion sous la direction de Philippe Walter
(4) Trésor de la langue Française informatisé (TLfi) – Férir
(5) Dictionnaire universel – Tome second – Chee Arnoud et Reinier Leers – Amsterdam (1690) – “Férir” – Par Antoine Furetière
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