Que signifie Avoir la berlue ?

Avoir la berlue c’est avoir des hallucinations, des visions, des illusions, se faire de fausses idées à propos d’une chose.

Quelle est l’origine de l’expression ?

Expression du 17ème siècle ….

A titre d’exemple :

  • Elle est mentionnée dans “Curiositez francoises” (1640) d’Antoine Oudin : “Vous avez la berlue : vous ne voyez pas clair, vous vous abusez” (1).
  • Molière l’utilise dans “l’école des femmes” (1662). L’un des principaux personnages de cette pièce de théâtre en cinq actes et en vers, Arnolphe, est un homme d’âge mûr. Il aimerait jouir du bonheur conjugal. Mais il est hanté par la crainte d’être trompé par une femme. C’est la raison pour laquelle il a le projet d’épouser sa pupille Agnès, élevée dans l’ignorance, recluse dans un couvent. Mais il apprend que Alain et Georgette, ses serviteurs, ont permis au jeune Horace de rencontrer sa pupille. Il les réprimande puis va chercher Agnes pour l’interroger et ainsi savoir ce qui s’est précisément passé. Lorsqu’il revient avec sa pupille, les serviteurs s’expriment ainsi :
    Georgette : “si je n’ai la berlue, je le vois qui revient.”
    Alain : “Tes yeux sont bons, c’est lui.”
    Georgette : “Vois comme il est chagrin.”
    Alain : “C’est qu’il a de l’ennui.”

On peut donc constater que, à cette époque, l’expression signifiait déjà “avoir des hallucinations”.

…. mais le mot “berlue” est plus ancien

Toutefois, il existe tellement d’hypothèses concernant l’origine de ce mot qu’on en reste éberlué (mot dérivé de berlue et signifiant ébahi, stupéfait).
On évoque souvent deux des hypothèses les plus sérieuses (3). “Berlue” dériverait :

  • du mot “bellue” qui, au 13ème siècle, signifiait “conte merveilleux destiné à aveugler l’esprit” , et du verbe “belluer” (14ème siècle) signifiant éblouir. Et le verbe “belluer” proviendrait du préfixe “bes” (latin bis) et “lucare”, dérivé du latin “lux” (lumière).
  • du latin “bisluca” qui a donné “beluga” (“étincelle qui éblouit”) en provençal.

Au 16ème siècle, le mot “berlue” traduisait un éblouissement. Mais cela désignait également un défaut de la vue, peut-être dans certains cas lié à l’éblouissement. Ce défaut faisait voir des choses qui n’existaient pas ou il déformait la réalité. Et c’est très certainement cette signification qui a donné naissance au sens figuré de l’expression “avoir la berlue” au 17ème siècle.

Nos sources

(1) Curiositez francoises pour supplément aux dictionnaires – chez Antoine de Sommaville – Paris (1640) – “Berlue” page 40 – Par Antoine Oudin
(2) L’école des femmes – Chez Henri Wetsein, Amsterdam (1693) – Page 26 –  Par Molière
(3) Trésor de la langue française informatisé (TLFi) – Berlue

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