Que signifie En faire tout un pataquès ?

En faire tout un pataquès c’est en faire toute une histoire, s’énerver pour des broutilles.

Quelle est l’origine de l’expression ?

Liaisons dangereuses

Contrairement à ce que suggère notre illustration, le mot “pataquès” n’est pas une déformation de “c’est pas ta caisse”.
A l’origine, vers la fin du 18ème siècle, il s’agit d’une faute de liaison dans la prononciation. Elle consiste à faire entendre une consonne qui n’existe pas ou que l’on ne doit pas entendre (1). Il s’agit de la fameuse “liaison mal-t-a-propos“. Un exemple bien connu est : “Si tu ne viens pas à Lagardère, Lagardère ira-t-à toi“.

La boîte à pataquès

On trouve ce type de liaison et le mot “pataquès” dans le manuscrit d’une pièce jouée en 1784 sur le théâtre portatif de Marie-Antoinette : “Le Benjamin d’la Daronne ou la boëte au Pataquès(2). Ce théâtre était destiné à des spectacles de plein air dans les jardins. Et cette pièce en un acte utilise des mots et expressions empruntés à l’argot (ex : la Daronne signifie la mère). Quant au texte, l’auteur l’a émaillé de nombreuses liaisons mal-t-a-propos (ex : “tous les hommes ne pouvons pas t’avoir z’un si grand esprit qu’lui”, “Dites-moi z’un peu”, “faut pas t’ètre grand sorcier”.). Cette pièce est sans nul doute une boîte à pataquès.

De “pas-t-à qu’est-ce” à “pataquès”

En 1805, dans son “Manuel des étrangers amateurs de la langue francoise” (3), le grammairien Urbain Domergue raconte une anecdote à laquelle on attribue souvent, mais à tort, l’origine du mot pataquès car, comme on l’a vu ci-dessus, il était déjà connu à la fin du 18ème siècle :

« Une faute que faisaient autrefois les seuls ouvriers et que font maintenant les personnes qui ne sont pas plus instruites pour être magnifiquement vêtues, c’est de changer, à la fin des mots, le t en s et le s en t. On appelle cela faire des pat-a-qu’est-ce, mot dont voici l’origine : Un beau diseur était au spectacle dans une loge à côté de deux femmes (…) Les diamants brillaient sur les habits des deux princesses. Tout à coup, le jeune homme trouve sous sa main un éventail. Madame, dit-il à la première, cet éventail est-il à vous ? – Il n’est point-z-à moi. – Est-il à vous ? en le présentant à l’autre – Il n’est pas-t-à moi. Le beau diseur en riant “Il n’est point-z-à vous, il n’est pas-t-à vous, je ne sais pas-t-à qu’est-ce ! Cette plaisanterie a couru dans les cercles et le mot est resté”.

De “liaison mal-t-à-propos” à “discours confus”, “gaffe”, “histoire compliquée”

Cette anecdote est reprise dans le dictionnaire Larousse en 1874. Ce dernier explique que le pataquès est également “un discours où l’on confond les choses dont on parle et qui devient inintelligible“. (4).
Puis, par analogie, au début du 20ème siècle, c’est devenu plutôt une gaffe, une faute de tact.(1)
Mais c’est également parfois utilisé pour qualifier une histoire devenant compliquée et prenant des proportions exagérées.

On peut donc imaginer que quelqu’un que l’on réprimande pour cause de pataquès (dans le sens de gaffe) réplique : “ce n’est pas la peine d’en faire toute une histoire pour, finalement, si peu de chose“. Il aurait pu également demander de “ne pas en faire tout un plat” ou “ne pas en faire tout un fromage“.

Et Pataque qu’est-ce ?

En complément, mais sans rapport, du moins nous n’en avons pas trouvé, ajoutons que le mot Pataques existait déjà au début du 17ème siècle, donc environ un siècle avant les exemples donnés ci-dessus. Il s’agissait d’une monnaie utilisée aux Indes néerlandaises, au Brésil, en Turquie, en Italie et en Algérie. A titre d’exemple, elle est mentionnée, en 1617, dans “Voyages en Afrique, Asie, Indes orientales et occidentales” (5). Il y est question d’une transaction de six pataques valant environ un écu pièce.

Nos sources

(1) Trésor de la langue Française informatisé TLFi

(2) Paris Galant au 18ème siècle – Les théâtres clandestins – Plessis libraire, Paris (1905) – Page 55 – Le théâtre portatif de la Reine – Le Benjamin d’la Daronne ou la boëte au Pataquès – Par G.Capon et R.Yve-Plessis

(3) Manuel des étrangers amateurs de la langue francoise – Imprimerie de Guilleminet, Paris (1805) – Page 465 – Par Urbain Domergue

(4) Grand dictionnaire universel du 19ème siècle – Tome douzième – Paris (1874) – Pataques, page 384 – Par Pierre Larousse

(5) Voyages en Afrique, Asie, Indes orientales et occidentales – Chez Jean de Heuqueville, Paris (1617) – Page 394 – Par Jean Mocquet, garde du cabinet des singularités du Roi aux Tuileries

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