Que signifie Nager entre deux eaux ?
Nager entre deux eaux c’est éviter de s’engager, de prendre position.
Quelle est l’origine de l’expression
Avec l’idée que “être entre deux eaux” c’est “être dans une position intermédiaire”, selon Alain Rey, l’expression “être entre deux eaux” a été utilisée pour “n’être ni riche ni pauvre.”
D’ailleurs, au milieu du 17ème siècle, on employait deux autres expressions dont elle aurait pu s’inspirer. Ces dernières sont attestées dans le Dictionnaire universel (1690) d’Antoine Furetiere, et Curiositez françoises (1640) d’Antoine Oudin.
- Les eaux sont basses
- = “il n’y a point de fonds, point d’argent en bourse” (Furetiere)
- = “il n’y a plus gueres de vin dans le pot” (Oudin)
- Nager en grande eau
- = “être en fortune, dans les grands emplois” (Furetiere)
- = “chercher l’abondance pour dépenser bien à propos son argent ” (Oudin)
Donc, lorsqu’une personne était entre deux eaux, eaux basses (être sans argent) et grande eau (être en fortune), on pouvait affirmer qu’elle n’était ni pauvre ni riche. Donc dans une position intermédiaire.
Une expression qui a su naviguer depuis le 14ème siècle
Mais, à la même époque, l’expression “nager entre deux eaux” était déjà utilisée. Selon Furetiere c’était “être incertain, quel parti ou opinion on doit suivre.” Et selon Oudin c’était “procéder avec médiocrité.” Et c’est bien cette expression qui est arrivée jusqu’à nous en évoquant l’idée de refus de prendre parti.
Toutefois, elle trouve son origine bien avant le 17ème siècle.
En effet elle est relevée dès le 14ème siècle. Et elle utilisait alors l’ancien sens de nager (du latin “navigare”) qui signifiait naviguer. Mais, à l’époque, elle revêtait un sens différent. En effet, elle exprimait alors l’idée d’une manoeuvre habile, comme celle du pilote d’un bateau qui garde le cap malgré les courants (eaux). Lorsqu’il nageait entre deux eaux, c’est qu’il naviguait entre deux courants sans se laisser entraîner ni par l’un ni par l’autre.
Et c’est bien dans ce sens que l’employait Jehan Le Bel, chroniqueur liégeois du moyen-âge. Dans l’une des chroniques de son ouvrage intitulé “Vrayes chroniques” (en fait “Vraye hystoire du roi Edwart”), commencé en 1357, on trouve ce texte : “Ainsy vouloit le dit duc de Brabant nager entre deux yawes (eaux) : il vouloit faire croire au roy de France que jà ne luy seroit contraire, et luy fist entendre moult (très) longuement, combien que (alors que) tout le pays veist (voit) bien le contraire évidamment.”
Mais, dès la fin du 14ème siècle, le verbe “naviguer” est apparu. Et le verbe “nager” a pris le sens que l’on connaît aujourd’hui. L’expression renvoyait donc plutôt l’image du nageur se laissant entraîner tantôt par un courant tantôt par l’autre mais tentant de garder le cap. Progressivement cette nage s’est appliquée, de façon métaphorique, à quelqu’un n’effectuant aucun choix par indécision ou pour ne pas prendre parti.
Finalement, on pourrait considérer que celui qui, aujourd’hui, nage entre deux eaux, sait manœuvrer habilement pour éviter de s’engager. Il sait “louvoyer” entre deux courants, qui parfois sont des courants de pensée. En résumé, il “sait nager.”
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